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Cour Administratif
Jurisprudence
Arrêt 46929C
24/01/2022
Arrêt 46929C
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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG



COUR ADMINISTRATIVE





Numéro du rôle : 46929C
ECLI:LU:CADM:2022:46929
Inscrit le 24 janvier 2022











Audience publique du 12 mai 2022



Appel formé par Monsieur (R), …,
contre un jugement du tribunal administratif
du 13 décembre 2021 (n° 43997 du rôle) ayant statué sur son recours contre
une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange
en présence de Madame (D), …,
en matière de permis de construire





Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46929C du rôle et déposée au greffe de la
Cour administrative le 24 janvier 2022 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A.,
inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant
son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et
des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 240929, représentée aux fins de la présente
procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des
avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (R), …, demeurant à L-… …, …, …, dirigée contre
le jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 13 décembre 2021
(n° 43997 du rôle), ayant déclaré recevable, mais non fondé son recours en annulation d’une
décision du bourgmestre de la commune de Mondercange du 4 octobre 2019 portant autorisation,
référencée sous le numéro …, dans le chef de Madame (D), demeurant à L-… …, …, …, de
transformer et d’étendre la maison unifamiliale jumelée à la sienne, sise à L-… …, …, … ;



Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en
remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, les deux demeurant à Luxembourg,
immatriculés près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 1er février 2022 portant
signification de cette requête d’appel à Madame (D), préqualifiée, ainsi qu’à l’administration
communale de Mondercange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en
fonctions, ayant sa maison communale à L-3919 Mondercange, 18, rue Arthur Thinnes ;



Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 février 2022
par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à
Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mondercange ;




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Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mars 2022 par
Maître Georges KRIEGER au nom de l’appelant ;



Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 31 mars 2022
par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Mondercange ;



Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;



Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Sébastien COUVREUR, en
remplacement de Maître Georges KRIEGER, et Steve HELMINGER en leurs plaidoiries
respectives à l’audience publique du 3 mai 2022.





Par décision du 4 octobre 2019, référencée sous le numéro ....., le bourgmestre de la
commune de Mondercange, ci-après « le bourgmestre », accorda à Madame (D), l’autorisation
pour la transformation et l’extension d’une maison unifamiliale jumelée sise à L-… …, …, …
sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Mondercange, section A de Mondercange,
sous le numéro …, terrain adjacent à celui de Monsieur (R).



L’immeuble faisant l’objet de l’autorisation de construire en question est jumelé pour être
adjacent à celui symétrique de Monsieur (R) sis …, …. Il est constant en cause qu’aucune
information préalable d’ouverture de la procédure, c’est-à-dire de la demande d’autorisation de
construire de Madame (D) n’avait été opérée ni de manière individuelle à l’encontre de
Monsieur (R), ni de manière générale par affichage de cette demande d’autorisation.



L’autorisation elle-même fut cependant affichée à hauteur de l’immeuble litigieux de sa
récipiendaire.



Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2020 (n° 43997
du rôle), Monsieur (R) fit introduire un recours en annulation de la décision précitée du
bourgmestre du 4 octobre 2019.



Par jugement du 13 décembre 2021, le tribunal déclara ce recours recevable, mais non
fondé et en débouta Monsieur (R) avec charge des frais et dépens.



Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2022,
Monsieur (R) a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 13 décembre 2021 dont il
sollicite la réformation dans le sens de voir annuler l’autorisation de bâtir querellée du
4 octobre 2019.



A l’appui de son appel, l’appelant reprend en substance son argumentaire de première
instance qui s’appuie, d’un côté et en ordre principal, sur la violation de l’article 5 du règlement
grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat
et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce qu’aucune
information préalable concernant la demande d’autorisation de construire ne lui été adressée ce
qui lui aurait enlevé tous éléments de participation préalables, de nature à voir influer en


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conséquence sur autorisation à délivrer, tandis que, plus loin, il invoque le non-respect de
plusieurs dispositions du règlement des bâtisses de la commune de Mondercange, ci-après
« le RB », dont plus particulièrement les articles 8.1 concernant l’harmonisation des
modifications avec les éléments existants, 8.3 concernant la largeur maximale des constructions
et 38 concernant la consistance et la forme des toitures.



La commune conclut au caractère non fondé de l’appel et sollicite la confirmation pure et
simple du jugement dont appel sur base essentiellement de la motivation y contenue.



Tout comme en première instance, Madame (D) n’a pas fait déposer de mémoire. La Cour
est néanmoins amenée à statuer à son égard suivant un arrêt non susceptible d’opposition en
application de l’article 47 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure
devant les juridictions administratives.



En premier lieu et de manière préalable, les parties sont en désaccord sur l’applicabilité et,
plus loin, la portée des dispositions de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en
matière d’urbanisme communal et, plus particulièrement, par rapport à la procédure menée en
l’occurrence.



L’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose comme suit : « Lorsqu´une
décision administrative est susceptible d´affecter les droits et intérêts de tierces personnes,
l´autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de
faire valoir leurs moyens.



Dans la mesure du possible, l´autorité administrative doit rendre publique l´ouverture de
la procédure aboutissant à une telle décision.



Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs
observations.



La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des
personnes qui ont présenté des observations ».



L’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 s’inscrit dans les prévisions de
l’article 1er, alinéas 2 et 3, de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non
contentieuse, ci-après « la loi du 1er décembre 1978 », qui dispose comme suit : « Ces règles
doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant de
la mesure la plus large possible la participation d’un administré à la prise de la décision
administrative.



Dans ce cadre, elles assurent la collaboration procédurale de l’administration,
consacrent le droit de l’administré et d’être entendu et d’obtenir communication du dossier
administratif, imposent la motivation des actes administratifs et indiquent le mode de procéder
des organismes consultatifs ».






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Cet article 5 est dès lors à lire dans l’optique d’un moyen de défense de l’administré à
travers sa participation à la prise de la décision administrative, dans une mesure aussi large que
possible.



Les parties sont tout d’abord en désaccord quant à l’applicabilité de l’article 5 du règlement
grand-ducal du 8 juin 1979 au cas d’espèce.



Le tribunal a écarté les dispositions de l’article 5 en question au motif tout d’abord que
l’article 5, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin1979 n’impose pas une obligation générale
et stricte aux autorités administratives, mais qu’il leur impose seulement d’informer les tiers
intéressés « dans la mesure du possible ». Suivant le tribunal, il résulte à cet égard des travaux
parlementaires ayant abouti à la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le
développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », qu’en cette matière, le législateur a
explicitement exclu l’obligation de procéder à un stade antérieur à une information de toutes les
parties intéressées, au motif qu’« une notification individuelle des personnes intéressées n'est pas
possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l'impossibilité d'identifier ex ante toutes
les personnes susceptibles d'être intéressées », (doc. Parl. 4486-3, pp. 65 et 66), de sorte à ne
retenir a priori en matière d'urbanisme que l'obligation d'une information ex post par la voie de
l'affichage.



Le tribunal de continuer que ce principe ne serait battu en brèche que lorsque des personnes
effectivement intéressées ont manifesté préalablement et valablement leur intérêt à être informées
d’un projet de construction, voire dans l’hypothèse dans laquelle l’administration ne pouvait pas
raisonnablement ignorer l’intérêt de ces tiers à être informés du sort réservé à pareil projet.



En dégageant des éléments du dossier lui soumis que le demandeur n’avait pas manifesté
préalablement son intérêt à être informé du projet de construction litigieux, le tribunal tira la
conclusion qu’il n’était pas fondé à se prévaloir en la présente matière d’une violation de l’article 5
du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte à rejeter son moyen d’annulation tiré à partir
de cette base.



La Cour ne peut suivre cette façon de voir, ni en droit, ni en fait.



En fait, il est indéniable, d’après l’ensemble des éléments soumis à la Cour et de l’accord
des vues des parties y relativement, qu’aucune notification ni individuelle, ni par voie d’affichage
n’est intervenue concernant la demande d’autorisation de construire présentée par Madame (D) à
la commune de Mondercange.



L’appelant ne pouvait dès lors a priori en avoir une connaissance utile.



Suivant le tribunal, en s’appuyant sur un jugement du 7 juillet 2008 (n° 23654 du rôle) et
sur d’autres jugements subséquents, le législateur aurait, à travers la loi du 19 juillet 2004 et plus
particulièrement son article 37, manifesté la volonté, en matière d’urbanisme communal,
d’uniquement retenir a priori l’obligation d’une information ex post par la voie de l’affichage et
d’abandonner, en cette matière, le module de l’information préalable de l’ouverture de la
procédure tel que prévu par l’article 5, alinéa 2 et suivants, du règlement grand-ducal du


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8 juin 1979. Le tribunal n’admet plus l’applicabilité de cette procédure préalable que dans les
deux hypothèses où l’administré lui-même a démontré un intérêt à être informé et a fait des
démarches afférentes, ainsi que celle où l’administration ne pouvait pas raisonnablement ignorer
l’intérêt de tiers à être informés du projet.



Cette solution résulte ostensiblement d’une mauvaise lecture des travaux parlementaires,
cités par le tribunal et analysés pour la première fois en ce sens au niveau du jugement précité du
7 juillet 2008 (doc. Par. 4486-3, pp. 65 et 66).



En effet, en relisant ces documents, il appert très clairement que le législateur, à l’époque,
avait l’intention, d’un côté, de cerner l’ensemble des tiers intéressés par rapport auxquels la
décision d’autorisation devait être communiquée et, d’un autre côté, de faire en toute occurrence
courir les délais contentieux dans l’intérêt du principe de sécurité juridique. A aucun endroit, au
niveau des travaux parlementaires en question, le législateur ne s’exprime dans le sens
d’abandonner la procédure précontentieuse soit de l’affichage, soit de la notification individuelle.



En toute occurrence, l’affichage de la demande d’autorisation ou d’un renseignement
suffisant concernant l’existence de pareille demande et la possibilité de tout intéressé de la
consulter à un endroit donné avec possibilité de faire valoir ses observations doit être possible
dans une très large majorité des cas, de sorte que la réserve de l’alinéa 2 de l’article 5 du règlement
grand-ducal du 8 juin 1979 consistant en le bout de phrase « dans la mesure du possible » est
appelée à jouer de moins en moins souvent.



Pareil affichage a pour le surplus l’avantage de donner une possibilité égale à tous les
intéressés vu qu’il est destiné à se faire à l’endroit de l’objet de la demande d’ouverture de la
procédure, généralement, une demande d’autorisation de construire.



La Cour ne saurait dès lors en aucune manière partager le point de vue du tribunal exprimé
dans le jugement a quo, même s’il s’appuie sur une position prise depuis plus d’une dizaine
d’années déjà par la juridiction administrative. Il est vrai que le jugement précité du 7 juillet 2008
a été rencontré en appel par un arrêt de la Cour du 29 janvier 2009 (n° 24748 du rôle, Pas. adm.
2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 166). Cependant, dans cet arrêt, la Cour
n’était pas amenée à toiser la question précise de l’applicabilité ou non des dispositions de
l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dans la mesure où, à partir de son analyse des
faits de l’espèce, la Cour était venue à la conclusion à l’époque que les tiers intéressés visés se
trouvaient amplement au courant de l’ouverture de la procédure administrative en question et
qu’ils avaient pu faire valoir à suffisance leurs moyens dès le stade précontentieux, de sorte qu’une
violation des dispositions dudit article 5 n’entrait pas en ligne de compte dans le cas d’espèce.
Autrement dit, la Cour, ce faisant, n’avait pas confirmé l’analyse du tribunal tendant à écarter a
priori, en principe, l’applicabilité de l’article 5 en matière d’urbanisme communal.



De manière générale, la Cour se doit de souligner que précisément en matière d’urbanisme
communal, la nécessité d’un dialogue avec une possibilité de prise de participation des personnes
intéressées à la décision à prendre est des plus importantes. Ceci est d’autant plus important dans
un contexte où, sociologiquement, la pandémie y aidant encore, les personnes sont amenées à se
replier de plus en plus sur soi et à éviter ainsi plus souvent que jamais les échanges permettant


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précisément, à travers des discussions à mener, en vue de trouver des solutions dans l’intérêt d’un
meilleur vivre ensemble et de relations de voisinage optimisées.



C’est manifestement l’information ex ante qui rend possible l’objectif valablement visé
par l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 en ses alinéas 2 et 3, en ce qu’elle permet seule
d’assurer la défense des administrés, voisins en l’occurrence, de leur permettre de participer à leur
tour à la prise de la décision, c’est-à-dire l’autorisation à délivrer, en proposant des éléments de
participation valables, démarche qui présuppose un accès aux informations et, de manière basique,
une information sur l’ouverture de la demande d’autorisation.



L’information ex ante rendant possible la participation de l’administré voisin est aussi la
seule garantie de ce processus de participation, par essence de nature, à éviter des conflits
ultérieurs et à baliser les difficultés le plus tôt possible. Ce mécanisme de participation des
administrés est un plus, de nature à impliquer un meilleur vivre ensemble dans une société dont
les membres ont tendance à se replier de plus en plus sur eux-mêmes. Il n’est ainsi sans commune
valeur avec la solution préconisée par le tribunal à la suite de la commune consistant à mettre le
voisin, administré intéressé, devant un quasi fait accompli au niveau précontentieux et à l’obliger
à agir par la voie contentieuse, sauf à tenter, le cas échéant, un recours gracieux ou hiérarchique
interne.



Toujours de manière générale, la situation de l’espèce, qui est celle de deux maisons
jumelées ayant pour le surplus été érigées sur base d’une seule et même demande d’autorisation
et ayant jusque lors présenté des aspects extérieurs symétriques et quasiment pareils, fait sauter
aux yeux que le propriétaire de la maison voisine est à considérer de manière éminente comme
personne intéressée à la demande d’autorisation ayant abouti à la décision communale querellée
sous analyse. Aucun doute valable n’a pu exister à ce niveau et la réserve de l’alinéa 2 de l’article 5
du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 libellée en tant que « dans la mesure du possible » ne
saurait avoir eu aucun impact en l’occurrence.



Il est vrai que la procédure de l’article 5, alinéa 2 et suivants, dudit règlement grand-ducal
du 8 juin 1979 n’est pas une fin en soi et doit être regardée sous le spectre de l’utilité et ses droits
de la défense des tiers intéressés visés.



Ainsi, la jurisprudence administrative a consacré de longue date la participation de
l’administré à travers l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 tout en la balisant en
distinguant bien les situations où, à partir d’un jugement du tribunal du 4 mai 1998 (Pas. adm.
2021, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 163 et suivants), l’administré n’avait
aucun élément concret d’amélioration à proposer, auquel cas, s’il n’avait pas été informé ou s’il
ne s’était pas informé sur base de l’affichage intervenu, il n’était plus en mesure d’obtenir une
annulation de l’autorisation intervenue sur base dudit article 5, tandis que dans toutes les autres
hypothèses où l’administré avait des éléments de participation à faire valoir, la juridiction
administrative a sanctionné, par l’annulation de la décision prise, les manquements à l’obligation
de l’administration de faire connaître, pour le moins par voie d’affichage, la demande
d’autorisation lui parvenue concernant un immeuble sur le territoire de sa commune.






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La Cour est amenée à insister sur le nécessaire respect des garanties des droits de
l’administré sur base des dispositions de la loi du 1er décembre 1978 et de son règlement
grand-ducal d’application du 8 juin 1979, dont en particulier ici l’article 5, dans un contexte où,
notamment en raison de la pandémie, une tendance à l’anonymisation, à une certaine
déshumanisation et à des pratiques administratives préférant de statuer ex cathedra, c’est-à-dire à
partir de son bureau sans consultation préalable des administrés intéressés, a pris tendance à se
propager de plus en plus.



En l’occurrence, tel que précisé déjà auparavant, aucun reproche ne saurait être fait à
l’appelant de ne pas s’être manifesté auprès de la commune avant la prise de l’autorisation de
construire litigieuse, tandis qu’à travers ses écrits tant en première instance qu’en appel, celui-ci
fait preuve de ce qu’il véhicule des éléments de participation valables, notamment en ce qui
concerne la question d’intégration harmonieuse de la partie à annexer telle qu’autorisée par le
bourgmestre, plus particulièrement en ce qui concerne la toiture plate ne correspondant nullement
au restant des constructions jumelées existantes.



Pour le surplus, la Cour entend cependant préciser que le bourgmestre avait la compétence
et l’obligation de tenir compte des éléments d’intégration harmonieuse, non seulement au niveau
du raccord des deux maisons unifamiliales jumelles, mais aussi et surtout par rapport à leur aspect
extérieur global qui, jusque lors a été parfaitement symétrique et est issu d’une même demande
d’autorisation commune et unique. La compétence du bourgmestre n’est dès lors pas liée de la
façon dont l’entend faire valoir la commune et l’a entérinée le tribunal.



De toutes ces considérations, il se dégage que le bourgmestre a agi de manière non
conforme à l’article 5, alinéa 2 et suivants, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979,
manifestement applicable en l’occurrence en ne rendant pas possible la communication de
l’ouverture de la procédure, c’est-à-dire soit l’affichage, soit la notification individuelle à
l’appelant de la demande d’autorisation de Madame (D) en temps utile.



En principe, la violation de l’article 5 en question devrait entraîner l’annulation dès ce
stade de l’autorisation délivrée le 4 octobre 2019 pour non-respect d’une formalité substantielle
destinée à protéger les intérêts d’un administré.



Cependant, au stade actuel de la procédure et compte tenu du temps couru - encore que
l’appel ne date que du 24 janvier 2022 - correspondant également pour le récipiendaire de
l’autorisation, respectueux de la solution à dégager par les juridictions saisies, en une perte
certaine de qualité de vie surtout dans le chef de la personne à mobilité réduite dans l’intérêt dans
laquelle la construction litigieuse est appelée à être érigée, pareille annulation n’aurait guère
d’effet utile en tant que telle.



En effet, toutes les données et considérations concernant le projet litigieux ont été discutées
à suffisance au niveau contentieux à travers deux instances et l’appelant a pu présenter ses
éléments de participation de manière consistante.



Plutôt que d’annuler pour violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979
l’autorisation de construire délivrée de manière à renvoyer le dossier tel quel devant le


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bourgmestre et à recommencer à zéro la procédure sans que la question véritablement litigieuse,
notamment du point de vue de l’appelant, qui est celle de la portée des exigences d’intégration
harmonieuse prévues plus particulièrement par l’article 8.1 du Rb ensemble les exigences en
matière de toitures de l’article 38 plus particulièrement ne se trouvent balisées et que
presqu’assurément un itératif périple contentieux serait nécessaire pour que le présent litige soit
solutionné valablement.



En pareille constellation comme dans beaucoup d’autres, le juge administratif doit donner
la préférence à la substance plutôt qu’à la forme. Il doit préférer l’effet utile plutôt que de se plier
à des exigences finalement stériles.



Ceci étant, la Cour, dans la plénitude de l’appréciation qui lui aurait permis l’annulation
de l’autorisation pour violation de l’article 5 en question, est amenée à se limiter à ne formuler
qu’un constat de non-conformité de la procédure communale menée audit article 5, ouvrant le cas
échéant la possibilité pour la récipiendaire de l’autorisation d’une action en dommages et intérêts
devant le juge civil du préjudice lui accru du fait des trois années « perdues » en ce que la non-
communication de la demande d’autorisation au tiers intéressé a finalement retardé de trois ans la
discussion nécessaire et utile sur la question véritablement litigieuse de l’intégration harmonieuse
du projet de construction de Madame (D) dans le contexte donné.



La Cour est dès lors amenée à rentrer dans le fond du dossier où l’appelant réitère en appel
les trois séries d’argumentaire tirées de la violation respectivement des articles 8.1., 8.3 et 38
du Rb.



S’agissant des dispositions de l’article 8.3, la Cour estime celles-ci non applicables au cas
de figure de l’espèce qui est celui précisément de deux immeubles jumelés, tandis que l’article 8.3
ne vise pas cette situation, mais uniquement celle des immeubles en bande pour lesquels une
largeur maximale de 25 mètres est prévue, de manière à ne permettre que trois sinon tout au plus
quatre pareils immeubles et à prévoir entre ses blocs de maisons en bande au moins un espace
libre tous les 25 mètres.



Reste dès lors la question de l’intégration harmonieuse des nouvelles constructions
projetées telle que visée par l’article 8.1 du Rb, lequel est à mettre en perspective avec l’article 38
concernant les formes des toitures.



L’article 8.1 en question dispose dans sa partie pertinente « Le gabarit suivant est à
respecter (…) :



Volume plein : Le volume plein est constructible jusqu'à une hauteur maximale de 8 m ;
le niveau de référence 0.00 m à prendre est le niveau de l'axe de la rue.



Volume réduit : Le volume réduit est situé entre 8.00 m et 11.00 m de hauteur et le niveau
de référence 0.00 m à prendre, correspond au niveau de l'axe de la rue. Le volume réduit a au
maximum 60% du volume plein théorique et peut couvrir au maximum 80% de la surface au sol
du volume plein. Le volume constructible prend en compte le volume principal et tous les volumes
secondaires, tels que les dépassements de toiture, des corniches, des acrotères, des murets, des


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éléments décoratifs etc. Un calcul détaillé est à fournir.



[suit un schéma]



Les combles pourront être utilisés de façon permanente pour l'habitat sur un niveau.



Les indications des hauteurs sont valables pour toutes les façades (pour les constructions
en pente voir article 35).



Le jeu entre les pleins et les vides ainsi que la structure de la façade devront s'harmoniser
avec la construction existante. ».

La partie de la disposition précitée véritablement pertinente pour la solution du présent
litige est celle de son dernier alinéa en ce que celui-ci ne distingue nullement et vise de manière
générale « le jeu entre les pleins et les vides », de même que « la structure de la façade » pour
lesquels une harmonisation avec la construction existante est à rechercher.



La Cour ne saurait partager la vue de la commune telle qu’entérinée par le jugement dont

appel.



Vu la généralité des termes employés et eu égard à l’objectif premier de la disposition
tendant à voir réaliser une harmonisation, c’est-à-dire une mise au diapason des nouvelles
constructions par rapport aux constructions existantes, cette exigence ne saurait se limiter aux
seuls éléments de raccord entre ces constructions, c’est-à-dire pour des maisons jumelées
symétriques, tel le cas d’espèce, les seules parties où celles-ci se touchent.



L’harmonisation prévue par l’article 8.1., pour faire du sens, doit viser, pour le moins, dans
le cas de figure de l’espèce, les deux constructions jumelles dans leur ensemble.



Cette exigence est à arbitrer de manière à ce qu’elle fasse du sens et, surtout, en suivant le
bon sens.



Elle ne peut pas signifier que la symétrie exacte existante doive être sauvegardée tous
azimuts. Dès lors, une adjonction à l’un des immeubles doit être possible sans que l’autre l’opère,
étant entendu que la même adjonction doit être permise pour l’autre immeuble à un stade ultérieur.
Ce qu’il faut cependant mettre en exergue c’est que l’adjonction projetée soit harmonieuse dans
une certaine mesure avec le tissu existant.



C’est ici que l’article 38 entre en ligne de compte, étant entendu que l’appelant critique, à
juste titre, que c’est au niveau des toitures que l’adjonction projetée ne correspond nullement ni
au gabarit, ni à la logique, ni à la systémique des constructions existantes.



L’article 38 du règlement des bâtisses dispose en sa partie pertinente que « toutes les
formes de toiture sont permises. Cependant, la construction doit rester esthétique et s’intégrer
harmonieusement dans son environnement bâti ».




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Il est constant à partir des éléments fournis au dossier et notamment des plans à la base de
l’autorisation de construire présentée par Madame (D), que l’adjonction projetée sous autorisation
communale à analyser par la Cour se présente comme une tour rectangulaire cubique à toit plat,
tandis qu’à la fois la pente du faîte de l’immeuble auquel elle est adjointe et tous les autres
éléments d’immeubles consistant en les deux maisons unifamiliales jumelles litigieuses accusent
des toitures typiques des années 1970 à deux pentes. Il est manifeste que sans toiture adéquate,
cette nouvelle construction ne saurait être regardée comme s’intégrant harmonieusement par
rapport au tissu bâti existant au sens des articles 8.1 et 38 du Rb.



Même si d’après les reculs, hauteurs et autres mesures strictes, le projet présenté rentrait
dans les prévisions de la réglementation communale d’urbanisme, de toute évidence, le
bourgmestre doit avoir disposé d’un pouvoir d’appréciation et d’une certaine marge
d’appréciation eu égard aux dispositions pertinentes des articles 8.1 et 38 du Rb présentant des
exigences d’intégration harmonieuse. L’appréciation de l’intégration harmonieuse est aux
antipodes d’une compétence liée et implique, nécessairement, une marge d’appréciation dans le
chef de l’autorité de décision sans que toutefois celle-ci ne puisse agir de manière arbitraire.



Il appartient au juge de l’annulation de mesurer si, dans le cas précis lui présenté, un
dépassement de la marge d’appréciation n’a pas eu lieu de la part de cette autorité de décision.



En l’occurrence, il est patent, à partir des éléments prédécrits, qu’en autorisant telle quelle
l’adjonction projetée, le bourgmestre a dépassé sa marge d’appréciation.



Dès lors, la décision critiquée du 4 octobre 2019 encourt l’annulation avec renvoi devant
le bourgmestre ouvrant la possibilité de présenter une alternative à faire élaborer par Madame (D)
après avoir rendu possible au tiers intéressé de présenter ses observations afférentes y compris
tous éléments de participation utiles et constructifs.



L’appelant sollicite la condamnation de la commune de Mondercange au paiement d’une
indemnité de procédure de ….- €.



Eu égard à l’issue du litige, cette demande est justifiée en son principe.



La Cour évalue ex aequo et bono le montant à allouer à la partie appelante en tant
qu’indemnité de procédure à ….- €.



Toujours eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances
et de les imposer dans leur intégralité à la commune de Mondercange.






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Par ces motifs,



la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;



déclare l’appel recevable ;



au fond, le dit justifié ;



réformant, annule la décision querellée du bourgmestre de la commune de Mondercange
du 4 octobre 2019 et renvoie le dossier devant ledit bourgmestre en prosécution de cause ;



condamne la commune de Mondercange à payer à l’appelant une indemnité de procédure
de … € ;



condamne la même commune aux dépens des deux instances.







Ainsi délibéré et jugé par :



Francis DELAPORTE, président,
Henri CAMPILL, vice-président,
Lynn SPIELMANN, conseiller,



et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences
de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….









s. … s. DELAPORTE
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